Parte Incognita
mars-avril 2014
Galerie Laure Roynette
20 rue de Thorigny . 75003 Paris .
Pour leur nouvelle collaboration, la Galerie Laure Roynette a présenté, de mars à avril 2014, des œuvres inédites d'Anne Cindric dans une exposition personnelle intitulée « Parte incognita »
Julie Crenn, docteur en Histoire et critique des arts, collaboratrice pour Art press, écrit à propos de cette exposition :
« On nous dit, et voilà vérité, que c'est partout déréglé, déboussolé, décati, tout en folie, le sang, le vent. Nous le voyons et le vivons. Mais c'est le monde entier qui vous parle, par tant de voix bâillonnées. Où que vous tourniez, c'est désolation. Mais vous tournez pourtant. […] Ceux qui tiennent rendez-vous ici viennent toujours d'un "là-bas", de l'étendue du monde, et les voici décidés d'apporter en cet ici le fragile savoir qu'ils en ont halé.
Edouard Glissant – Traité du Tout-Monde (1997)
Dans le prolongement d'une réflexion picturale basée sur l'apparat et les figures du pouvoir, Anne Cindric présente une nouvelle série de peintures où les notions de cartographie, de relation et de mondialité sont introduites. Ainsi, elle reprend les motifs et l'histoire des Dutch wax. Les tissus imprimés et multicolores portent une histoire liée au colonialisme et aux prémices de la globalisation. Au XIXe siècle, les Hollandais mettent au point des tissus proches des batiks, élaborés pour inonder et conquérir le marché indonésien. Une entreprise qui va se révéler être un échec, les Indonésiens ont préféré l'authenticité à la reproductibilité de leur artisanat. Les marchands se rabattent alors sur l'Afrique de l'Ouest où les tissus ont connu et connaissent encore aujourd'hui un vif succès. À partir des années 1950, période de la décolonisation, les Dutch wax portent une fonction nouvelle puisqu'ils se font les vecteurs du panafricanisme et de propagandes diverses. Sur les chemises, les pagnes, les robes et les boubous, les gens arborent les portraits et les slogans des rois, libérateurs, martyres, dictateurs, colons, héros et autres icônes nationales et continentales. Les tissus deviennent des armes critiques, politiques et militantes. Une stratégie iconographique qu'Anne Cindric réinterprète dans ses peintures. Les figures masculines incarnant le pouvoir sont remplacées par les portraits de favorites médiévales, de reines et de Premières Dames : La reine Elizabeth II d'Angleterre, Jackie Kennedy et Michelle Obama. Des femmes aux pouvoirs limités, dont le statut oscille entre l'action et la représentation. »